Conseil constitutionnel Décision n° 2021-826 DC du 21 octobre 2021 (3/2021)

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2021

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

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Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, IDPS, Sorbonne/Paris/Nord 

Name of the Act/s

Conseil constitutionnel

Décision n° 2021-826 DC du 21 octobre 2021.

Loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique.

Non conformité partielle.

Comment 

Le CC est saisi par des sénateurs estimant contraires à la Constitution certaines dispositions de la loi déférée (relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique). Est visé plus particulièrement l’article 25 de la loi en ce qu’il relève le plafond de la sanction pécuniaire pouvant être infligée à des éditeurs de services audiovisuels s’ils manquent à l’obligation de contribution au développement d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il y aurait, pour les sénateurs, « sanction disproportionnée aux motifs que l'assiette de la sanction, constituée par le montant total de la contribution annuelle, n'aurait pas de lien avec le manquement réprimé et que les taux maximaux retenus seraient excessifs ». S’ensuivrait une violation de l’article 8 de la DDHC de 1789 (« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée »). Cet article 8 de la DDHC s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Il revient au législateur, dans l’exercice de ses compétences, d’apprécier la nécessité des peines attachées aux infractions; reste que le législateur ne peut faire montre de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue, à peine de censure. Dans le cas présent, les éditeurs de services de communication audiovisuelle (diffusés par divers moyens) contribuent annuellement au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles. La loi déférée prévoit « que le manquement à l'obligation de contribution est puni d'une sanction dont le montant maximal ne peut excéder le double du montant de l'obligation annuelle ou le triple en cas de récidive ». Le CC rappelle que la répression du manquement à cette obligation répond à un objectif d'intérêt général : la promotion de la création culturelle. De plus, la loi instaure une sanction dont la nature est liée à celle de l'infraction ; le manquement à l’obligation visée est puni par une sanction pécuniaire proportionnelle au montant de la contribution annuelle. Certes, la sanction peut atteindre le double du montant de la contribution ; mais ce montant ne constitue qu'un plafond et doit être déterminé en fonction de la gravité du manquement commis et des avantages tirés de ce manquement. Enfin, une telle sanction peut être déférée au juge compétent. Il n’y a point censure ici. Toutefois, la loi prévoit en cas de récidive, une augmentation du montant de la sanction ; et elle le fait sans définir les conditions, notamment de délai, dans lesquelles cette récidive peut être constatée. Il s’ensuit que la sanction s’avère « manifestement disproportionnée » ; censure il y a. Certaines autres dispositions de la loi sont censurées pour méconnaissance de la règle de procédure posée à l'article 45 de la Constitution (« Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis »). Le CC rappelle qu’il lui appartient de déclarer contraires à la Constitution les dispositions violant cette règle de procédure (cela ne préjuge pas de la conformité du contenu des dispositions aux autres exigences constitutionnelles). Or, il appert que différentes dispositions législatives « ne présentent (...) plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat ».

Les dispositions, adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, sont contraires à cette dernière.

Available Text

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044245663.