Conseil d’Etat - Ordonnance du 23 octobre 2020 (référé) n° 445430 (3/2020)

Stampa

Name of the Act/s

Conseil d’Etat

Ordonnance du 23 octobre 2020 (référé)

N° 445430

Comment 

Le juge des référés du Conseil d’Etat (CE) refuse de suspendre le décret permettant aux préfets d’instaurer, dans certains départements, un couvre-feu. Par le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020, le Premier ministre a prescrit de nouvelles mesures pour faire face à l’épidémie de covid-19. Il est possible désormais d’interdire dans certains départements : les déplacements hors du lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin (sauf dérogations prévues, à l’instar par exemple d’un déplacement professionnel justifié ou d’une nécessité de soins…). Pour les requérants, le décret porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté personnelle, aux libertés d’aller et venir, d’entreprendre, de réunion et d’association et au droit à mener une vie familiale normale. Il y aurait encore atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifester, à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit à la sûreté.

Le CE ne fait pas droit aux demandes des requérants. Le juge souligne qu’il appartient aux pouvoirs publics d’adopter toute mesure à même de sauvegarder la santé de la population, toute mesure à même de prévenir ou limiter les effets de l’épidémie. De telles mesures doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif de sauvegarde de la santé publique qu’elles poursuivent ».

Si l’interdiction de sortir de son domicile porte atteinte à la liberté personnelle, le CE estime néanmoins qu’elle est justifiée par le contexte épidémique. Les dernières semaines, constate le juge, ont été marquées par une forte reprise de l’épidémie et « une nette aggravation de la crise sanitaire » : « Le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas rapporté à la population) s’élevait à 246,53 pour 100 000 personnes, sur l’ensemble de la population, contre 118 pour 100 000 personnes la semaine du 28 septembre au 4 octobre 2020 (…) le taux de positivité des tests réalisés était de 13,56 % contre 9,2 % et le taux d’occupation des lits en réanimation par des patients atteints du covid-19 était de près de 43 % ». La situation s’avère préoccupante dans les 9 métropoles situés dans les départements visés dans le décret contesté. Le CE cite le Haut Conseil de la santé publique: « Les expositions et les transmissions surviennent principalement en intra-famille ou en cas de regroupements sociaux avec forte densité de personnes en dehors des établissements scolaires ». De plus, les milieux universitaires, les bars, les restaurants… apparaissent comme autant de foyers de contamination.

Le décret contesté comporte, souligne le CE, diverses dérogations assouplissant les interdictions initialement posées. Surtout, les mesures restrictives adoptées présentent, pour le juge, un caractère nécessaire. La mesure de police instituée apparaît au proportionnée au regard du but d’intérêt général poursuivi. Le CE ne voit pas quelles autres mesures – moins restrictives – il aurait été possible d’adopter pour lutte contre le virus.

Les libertés fondamentales invoquées à l’appui de la requête doivent être conciliées avec le droit au respect de la vie. Au nom de ce dernier, la requête est rejetée.