France

Conseil constitutionnel (2/2020)

  1. Décision n° 2020-846/847/848 QPC du 26 juin 2020. M. Oussman G. et autres (Violations réitérées du confinement). Conformité
  2. Décision n° 2020-845 QPC du 19 juin 2020. M. Théo S. (Recel d'apologie du terrorisme). Conformité - réserv
  3. Décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020. Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Non conformité partielle
  4. Décision n° 2019-1-9 RIP du 18 juin 2020. Observations du Conseil constitutionnel sur les opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris
  5. Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020. Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Non conformité partielle - réserve
  6. Décision n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020. M. Maxime O. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d'audiences relatives au contentieux de la détention provisoire II]. Non conformité totale - effet différé
  7. Décision n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020. Union nationale des étudiants de France [Communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d'enseignement supérieur pour l'examen des demandes d'inscription en premier cycle]. Conformité - réserve

 

1. Décision n° 2020-846/847/848 QPC du 26 juin 2020. M. Oussman G. et autres (Violations réitérées du confinement). Conformité

 

Comment

Le Conseil constitutionnel est saisi de l'article L. 3136 du code de la santé. Est punie de peines contraventionnelles la violation de certaines interdictions ou obligations, notamment l'interdiction de sortir de son domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé. Selon les requérants, ces dispositions méconnaîtraient le principe de légalité des délits et des peines. Le législateur aurait abandonné au pouvoir réglementaire la définition des éléments constitutifs du délit réprimé (en lui laissant la définition des cas dans lesquels une personne peut sortir de son domicile et les conditions dans lesquelles le respect de cette interdiction est contrôlé). Les requérants invoquent encore la non intelligibilité de la loi : la notion de verbalisation serait équivoque et les termes de « besoins familiaux ou de santé » seraient imprécis. Seraient encore méconnu le principe de la présomption d'innocence, les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. De plus, ils estiment que le délit serait constitué par la simple constatation de plus de trois verbalisations ; il présenterait alors un caractère automatique. Enfin, il serait porté atteinte au principe de proportionnalité des peines : la peine choisie pour réprimer les comportements incriminés serait manifestement disproportionnée et le délit réprimerait des violations déjà été punies en violation du principe non bis in idem.

Le CC fait lecture des articles suivants. Article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant … la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». En vertu de cet article 34 C. – combiné avec l’article 8 de la Déclaration de 1789 (principe de légalité des délits et des peines) – le législateur a l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale. Tout comme il doit définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire.

Le CC rejette les prétentions des saisissants. La notion de verbalisation - qui désigne le fait de dresser un procès-verbal d'infraction – ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque. Il en est de même de la référence aux « déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé ». Le législateur n’est pas réputé avoir adopté des dispositions imprécises en retenant comme élément constitutif du délit le fait suivant : à savoir que la personne ait été précédemment verbalisée « à plus de trois reprises ». Ces dispositions ne permettent pas qu'une même sortie - qui constitue une seule violation de l'interdiction de sortir - puisse être verbalisée à plusieurs reprises.

En réprimant la méconnaissance de l'interdiction de sortir, le législateur a défini les éléments essentiels de cette interdiction. Ont d’ailleurs été instituées des exceptions pour les déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé. L’action normative du pouvoir réglementaire est réputée encadrée : les interdictions par lui instituées doivent être strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu.

Quant au délit proprement dit, il est constitué lorsque la violation de l'interdiction de sortir survient alors que, dans les trente jours précédents, trois autres violations identiques ont déjà été verbalisées. Le législateur a suffisamment déterminé – selon le CC - le champ de l'obligation et les conditions dans lesquelles la méconnaissance des obligations prescrites emporte constitution d’un délit.

Pour toutes ces raisons,  le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté ».

S’agissant des autres griefs (existence d’une présomption de culpabilité, méconnaissance de la présomption d'innocence et des droits de la défense), ils sont aussi écartés. Le tribunal correctionnel - saisi de poursuites d'une violation de l'interdiction de sortir - apprécie les éléments constitutifs de l'infraction ; en particulier, il apprécie la régularité et le bien-fondé des précédentes verbalisations. N’est pas instaurée une présomption de culpabilité, ne sont pas méconnus la présomption d'innocence ni les droits de la défense.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines est écarté. L'incrimination a pour finalité d'assurer le respect de mesures prises pour garantir la santé publique dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. La catastrophe sanitaire met en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Eu égard aux risques induits par le comportement réprimé, les peines instituées ne sont pas manifestement disproportionnées.

Sans autre commentaire, le CC achève sa décision en déclarant que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.

Elles sont réputées conformes à la Constitution.

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020846_847_848QPC.htm

 

2. Décision n° 2020-845 QPC du 19 juin 2020. M. Théo S. (Recel d'apologie du terrorisme). Conformité - réserv

Comment

En vertu de l’article 421-2-5 du code pénal, « Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne. Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ».

Selon requérant et l'association intervenante, ces dispositions – telles qu'interprétées par la Cour de cassation - méconnaissent la liberté d'expression et de communication et les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines. Il n'y aurait pas de différence substantielle et fondamentale entre la consultation d'un site internet terroriste et le téléchargement ou la détention sur un support informatique du contenu de tels sites. En d’autres termes, rien ne distinguerait ce délit de recel de celui de consultation habituelle de sites internet terroristes. De plus, est dénoncé le fait que la répression du délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme serait aggravée par rapport à celle du délit de consultation habituelle de sites internet terroristes. Aucune cause exonératoire n'est prévue.

Le CC rappelle – puisque est contestée l’interprétation de la Cour de cassation – que tout justiciable peut contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative.

Dans une décision du 7 janvier 2020 et une décision du 24 mars 2020, la Cour de cassation a reconnu l'existence d'un délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme. Elle  a estimé qu’entre dans le champ du droit pénal le fait de détenir, en toute connaissance de cause, des fichiers ou des documents caractérisant l'apologie d'actes de terrorisme. Encore faut-il que cette détention s'accompagne d'une adhésion à l'idéologie exprimée dans lesdits fichiers ou documents.

Le CC fait lecture de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Puis de l’article 34 C. : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Conciliation il doit y avoir : entre la poursuite de l'objectif de lutte contre l'incitation et la provocation au terrorisme (qui participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions) … et l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer. Le CC ajoute, en une formule classique qui mérite d’être saluée, que « la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Si des atteintes peuvent  portées à l'exercice de cette liberté, elles doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ».

Le CC s’appuie sur sa jurisprudence passée. Il rappelle que (cf. les décisions du 10 février et 15 décembre 2017) que « la législation comprend un ensemble d'infractions pénales autres que l'incrimination contestée et de dispositions procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d'actes de terrorisme ». Dans le cadre des procédures d'enquête relatives à ces infractions, les magistrats et enquêteurs disposent de pouvoirs étendus. Quant à l'autorité administrative, elle possède de nombreux pouvoirs pour prévenir la commission d'actes de terrorisme. Grâce à de telles attributions, il est possible de lutter contre la diffusion publique d'apologies d'actes de terrorisme ; il est possible de réprimer leurs auteurs et de surveiller une personne consultant ou collectant ces messages. Cela afin de l'interpeller et de la sanctionner quand cela « s'accompagne d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution ».

Le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme réprime le seul fait de détenir des fichiers ou des documents faisant l'apologie d'actes de terrorisme… sans que soit retenue l'intention terroriste ou apologétique du receleur comme élément constitutif de l'infraction. « Le délit de recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Les mots « ou de faire publiquement l'apologie de ces actes » figurant au premier alinéa de l'article 421-2-5 du code pénal ne sauraient donc, sans méconnaître cette liberté, être interprétés comme réprimant un tel délit ». Le CC émet ainsi une réserve d’interprétation. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent ni la liberté d'expression et de communication, ni les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

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3. Décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020. Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Non conformité partielle

Comment

La loi déférée prévoit que l'autorité administrative peut demander aux hébergeurs ou aux éditeurs d'un service de communication en ligne de retirer certains contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. A défaut de retrait dans un délai de vingt-quatre heures, l'autorité administrative peut notifier la liste des adresses des contenus incriminés aux fournisseurs d'accès à internet. Ces derniers doivent sans délai en empêcher l'accès. Les éditeurs et hébergeurs ont un délai d’une heure pour retirer les contenus notifiés par l'autorité administrative ; en cas de manquement à cette obligation, est prévue une peine d'un an d'emprisonnement et de 250 000 euros d'amende.

Le CC fait lecture de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Ce droit implique la liberté d'accéder aux services de communication en ligne. Ils sont fondamentaux pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions. L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Selon le CC, « il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer ». Il peut instituer des dispositions pour faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication dès lors qu’il est porté atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Cependant, “la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent donc être « nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ».

Tant la diffusion d'images pornographiques représentant des mineurs que la provocation à des actes de terrorisme ou l'apologie de tels actes constituent des abus de la liberté d'expression et de communication. Cela porte « gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers ». Le législateur a entendu faire cesser de tels abus en adoptant les dispositions déférées : il a imposé aux éditeurs et hébergeurs de retirer, à la demande de l'administration, les contenus que cette dernière estime contraires aux articles 227-23 et 421-2-5 du code pénal.

Cependant, ajoute le CC, « la détermination du caractère illicite des contenus en cause ne repose pas sur leur caractère manifeste. Elle est soumise à la seule appréciation de l'administration». De plus, l'engagement d'un recours contre la demande de retrait n'est pas suspensif ; et le délai d'une heure (laissé à l'éditeur ou l'hébergeur pour retirer ou rendre inaccessible le contenu visé) ne lui permet pas d'obtenir une décision du juge avant d'être contraint de le retirer. Enfin, sont prévues une peine d'emprisonnement d'un an et une amende 250 000 euros. Pour toutes ces raisons, « le législateur a porté à la liberté d'expression et de communication une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ». Contrariété à la Constitution il y a.

La loi déférée impose encore à certains opérateurs de plateforme en ligne, sous peine de sanction pénale, de retirer ou de rendre inaccessibles dans un délai de vingt-quatre heures des contenus illicites en raison de leur caractère haineux ou sexuel. Ce faisant, « le législateur a voulu prévenir la commission d'actes troublant gravement l'ordre public et éviter la diffusion de propos faisant l'éloge de tels actes. Il a ainsi entendu faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers ». Cependant, l’obligation qui pèse sur l’opérateur semble disproportionnée : l'obligation de retrait s'impose dès lors qu'une personne signale un contenu illicite (en précisant son identité, la localisation de ce contenu et les motifs légaux pour lesquels il est manifestement illicite). L'obligation de retrait n'est pas subordonnée à l'intervention préalable d'un juge ni soumise à aucune autre condition. L'opérateur doit donc examiner tous les contenus signalés, « aussi nombreux soient-ils, afin de ne pas risquer d'être sanctionné pénalement ». En outre, le législateur a retenu de multiples qualifications pénales justifiant le retrait de ces contenus. L'opérateur doit alors examiner les contenus signalés au regard de l'ensemble de ces infractions. Et cela « alors même que les éléments constitutifs de certaines d'entre elles peuvent présenter une technicité juridique ou, s'agissant notamment de délits de presse, appeler une appréciation au regard du contexte d'énonciation ou de diffusion des contenus en cause ». Il faut souligner que les opérateurs de plateforme en ligne doivent remplir leur obligation de retrait dans un délai de 24H, délai fort bref. Or, les difficultés d'appréciation sont évidentes (cf. le caractère manifeste de l'illicéité des contenus signalés, les signalements nombreux). Si la loi a bien prévu une cause exonératoire de responsabilité pour les opérateurs de plateforme en ligne, elle n'est « pas rédigée en des termes permettant d'en déterminer la portée ». Et il n’existe pas d’autre cause d'exonération de responsabilité spécifique (cf. par ex. ajoute le CC la prise en compte de la multiplicité de signalements). Enfin, quant à la sanction pénale, elle est encourue pour chaque défaut de retrait et non en considération de leur répétition. A l’aune de ces éléments, les opérateurs de plateforme en ligne n’auraient d’autre choix que de retirer les contenus signalés (qu'ils soient ou non manifestement illicites) pour éviter de tomber dans le champ de la loi pénale. Les dispositions déférées portent « une atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

D’autres dispositions sont déclarées contraires à la Constitution pour non respect de la procédure parlementaire. Elles « ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale ». Censure il y a (« sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles”).

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2020-801-dc-du-18-juin-2020-communique-de-presse#:~:text=Par%20sa%20décision%20n°,par%20plus%20de%20soixante%20sénateurs  .

 

4. Décision n° 2019-1-9 RIP du 18 juin 2020. Observations du Conseil constitutionnel sur les opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris

Comment

En vertu de l'article 11 de la Constitution (cf. aussi loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013), la procédure dite du référendum d'initiative partagée (RIP) a été pour la 1ere fois en France activée. La finalité était d’affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris. Le Conseil constitutionnel (décision n° 2019-1 RIP, 9 mai 2019) a jugé que la proposition de loi était conforme aux exigences constitutionnelles et législatives. Sous le contrôle du Conseil constitutionnel, une période de 9 mois (13 juin 2019-12 mars 2020) a été ouverte pour obtenir, éventuellement, le nombre de soutiens nécessaires à la proposition de loi. Dans sa décision n° 2019-1-8 RIP du 26 mars 2020, le CC constate que la proposition de loi n'a pas obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Il n’y a donc pas lieu de poursuivre la procédure devant le Parlement (avec éventuellement in fine l'organisation d'un référendum).

Dans la précision décision, le CC fait part de ses observations.

1 093 030 soutiens d'électeurs inscrits sur les listes électorales ont été apportés. La loi organique de 2013 institue une procédure de recueil des soutiens principalement électronique. Selon le CC, « cette procédure électronique s'est révélée suffisamment efficace pour garantir la fiabilité des résultats constatés à l'issue de la période de recueil des soutiens ».Cela est vrai notamment s’agissant de la vérification préalable de l'inscription de l'internaute dans le répertoire électoral unique (REU). Cependant, des difficultés en ligne sont advenues, de nature « à altérer la confiance de certains électeurs dans cette procédure »; cela aurait même dissuadé certains électeurs de participer. Reste que « l’écart séparant le nombre des soutiens enregistrés et le seuil d'un dixième des électeurs a été d'une importance suffisante pour qu'il puisse être affirmé que, en tout état de cause, les obstacles qui auraient empêché certains électeurs de soutenir la proposition de loi n'ont eu aucune incidence sur l'issue de la procédure ». D’autres craintes ont pu affecter certains électeurs : celle que soient révélées « leurs opinions politiques » et celle d’une utilisation abusive des informations recueillies. Cela découle du choix même du législateur organique de 2013 : il a retenu la méthode du soutien à une proposition de loi (signature d'une pétition) plutôt que celle de l'expression d'un suffrage.

En cas de réclamations, le CC est compétent pour trancher les litiges. Il peut être saisi par tout électeur durant la période de recueil des soutiens ou dans un délai de dix jours suivant sa clôture. La loi organique a créé une « formation » composée de trois membres désignés pour une durée de cinq ans par le CC. Les membres de cette formation d'examen des réclamations (FER) sont des magistrats de l'ordre judiciaire ou des juridictions administratives. Le CC a reçu 4243 réclamations d'électeurs : 52 réclamations ont été examinées. A quatre reprises, la formation a constaté que c'est à tort que des soutiens n'avaient pu être enregistrés sur le site internet et a ordonné l'ajout de leur nom à la liste des soutiens. Les autres décisions rendues ont abouti au rejet des réclamations. Il faut noter que le CC a notamment rejeté les requêtes de ressortissants d'autres États membres de l’UE résidant en France.

Le CC a estimé - décision n° 2019-1-2 RIP du 15 octobre 2019 – qu’il n’avait pas à adopter des recommandations afin d'améliorer l'information des électeurs sur l'opération de recueil des soutiens. Le « principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions » n'implique pas, « par lui-même, que des mesures soient nécessairement prises, notamment par le Gouvernement, pour assurer l'information des électeurs sur l'existence, les modalités et les enjeux d'une opération de recueil des soutiens à une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution ou pour organiser la communication audiovisuelle des opinions en faveur ou en défaveur de ce soutien ».

Estimant avoir fait l’objet de trop nombreuses réclamations n’entrant pas toujours dans le champ de sa compétence, le CC appelle à quelques modifications de la procédure. Il demande que soit institué « un dispositif administratif permettant aux citoyens de poser des questions sur la procédure ou les enjeux de la consultation et de faire état de difficultés rencontrées lors du dépôt du soutien ». Bref, le juge des opérations référendaires ne veut plus être noyé sous des questions administratives et techniques. Il invite le législateur organique à  intervenir normativement pour « prévoir que la recevabilité d'une réclamation (soit) subordonnée au rejet d'une contestation préalable auprès d'une commission administrative indépendante ». Le CC n’interviendrait – éventuellement – qu’ensuite, une fois réalisé ce travail d’amont. Grâce à une telle novation, le CC pourrait se recentrer sur sa mission : « se consacrer aux seules difficultés juridiques soulevées par ces opérations et (…) se concentrer sur son rôle de garant de l'exercice démocratique pendant toute la procédure ».

Le CC est assez critique – à juste titre – sur la procédure constitutionnelle et législative du RIP. Selon lui, la « procédure reste dissuasive et peu lisible pour des citoyens susceptibles de soutenir une proposition de loi dès lors que le nombre de soutiens à atteindre est très élevé (environ 4,7 millions) et que, même dans le cas où ce nombre serait atteint, la tenue d'un référendum n'est qu'hypothétique (un examen du texte par les deux assemblées suffisant à mettre un terme à la procédure) ». De plus, « il n'existe aucune disposition relative à l'organisation d'un débat public ou d'une campagne d'information audiovisuelle sur une proposition de loi déposée en application de l'article 11 de la Constitution, ce qui a pu susciter insatisfactions et incompréhensions ». Enfin le CC constate que « les textes en vigueur sont peu diserts sur le rôle des partis politiques dans les opérations de recueil des soutiens » (cf. seulement les dispositions relatives aux dons et aux prêts de personnes physiques aux partis politiques). Les partis politiques sont – il est vrai – les grands oubliés de l’histoire de la Vème République (même si le texte de 1958 est le 1er à leur octroyer reconnaissance constitutionnelle). Le CC évoque « l'opportunité de mettre en place un financement public de telles actions ou à la nécessité d'encadrer certaines pratiques - telles que celle consistant, dans l'espace public, à proposer aux électeurs d'utiliser des terminaux mis à leur disposition par les partis pour recueillir leur soutien ».

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/201919RIP.htm  

 

5. Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020. Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Non conformité partielle - réserve

Comment

Chose rare, le Président de la République est l’une des autorités ayant déféré au CC la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Il faut voir là une saisine avant tout symbolique puisque l’opposition a, elle aussi, saisi le juge.

Pour les sénateurs, la loi a été adoptée en violation de la Constitution. Pour des raisons sanitaires, le nombre de députés présents simultanément dans l'hémicycle a été limité à soixante-quinze. La méthode retenue a été celle de la représentation proportionnelle des groupes. La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale a empêché certains députés de participer aux débats et de défendre personnellement leurs amendements. Il y aurait méconnaissance de la liberté des membres du Parlement dans l'exercice de leur mandat et de leur droit d'amendement.

Le CC fait lecture de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ». Quant au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, il dispose : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». En vertu de l'article 26 de la Constitution, « Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ». L'article 27 de la Constitution dispose : «Tout mandat impératif est nul ». En vertu du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». Toutes ces dispositions – constate le CC – « imposent le respect de la liberté des membres du Parlement dans l'exercice de leur mandat ».

Pour rejeter les griefs formulés, le CC fait montre d’une critiquable brièveté : «  si les sénateurs requérants allèguent que des députés auraient été empêchés, de ce fait, de prendre part aux votes ou de présenter leurs amendements, ils ne l'établissent pas. En outre, les travaux parlementaires ne font pas état que des députés qui se seraient présentés pour participer aux débats, défendre leurs amendements ou prendre part aux votes se le seraient vu refuser. Dès lors, les griefs ne peuvent qu'être écartés”. Le CC ne se fait point le grand défenseur des droits des parlementaires…

Quant au fond – quid de la a loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire ? - le CC rappelle que la « Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire ». Dans ce cadre, il revient au Parlement d'assurer une idoine « conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ». Parmi ces droits et libertés figurent : la liberté d'aller et de venir, le droit au respect de la vie privée, la liberté d'entreprendre, le droit d'expression collective des idées et des opinions.

Après avoir constaté que l'exécutif peut adopter des mesures restrictives en matière de libertés, le juge rappelle qu'elles ne peuvent être adoptées que dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ; elles cessent d'être en vigueur lorsqu'il est mis fin à celui-ci. Visant à préserver la santé publique, ces mesures doivent être “adaptées, nécessaires et proportionnées à la finalité qu'elles poursuivent”. S'agissant des mesures relatives aux établissements recevant du public et aux lieux de réunion, elles « doivent se concilier avec la préservation de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ». Si des réquisitions de personnes, de biens et de services sont possibles, elles doivent être « nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ». De plus, des indemnisations sont prévues (cf. le code de la défense). Au regard de l'ensemble des ces considérations, le CC estime que «  le législateur a procédé à une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées ». Les dispositions contestées sont conformes à la Constitution.

Quid de la régularité des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement ? Les saisissants dénoncent l'absence d'information systématique du juge des libertés et de la détention et le fait qu'il n'intervienne que tardivement dans la procédure. Le CC fait lecture de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». L'autorité judiciaire est la gardienne naturelle de liberté individuelle ; cette dernière ne saurait être « entravée par une rigueur non nécessaire ». Si des atteintes sont portées à l'exercice de cette liberté, elles « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis ». Le juge cite l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il en tire – jurisprudence classique – le principe suivant : il existe un droit, pour les personnes intéressées, à exercer un recours juridictionnel effectif. Le CC ne peut faire à moins que de constater que les mesures de mise en quarantaine représentent une privation de liberté (cela vaut aussi quand il y a obligation de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant plus de douze heures par jour). Reste que le but du législateur est la protection de la santé, objectif de valeur constitutionnelle. Et les mesures restrictives de liberté sont suffisamment encadrées selon le juge : elles ne peuvent être prononcées et mises en œuvre que dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire … elles ne peuvent viser que les personnes ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l'infection … elles découlent d'une décision individuelle motivée du préfet sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé (avec mention des voies et délais de recours ainsi que des modalités de saisine du juge des libertés et de la détention)... la personne peut choisir d'effectuer la quarantaine ou l'isolement à son domicile ou dans un lieu d'hébergement adapté … il peut être mis fin à ces mesures quand l'état de santé de la personne intéressée le permet. Il s'ensuit que ces mesures sont jugées “adaptées, nécessaires et proportionnées ».

La liberté individuelle est respectée seulement “si le juge intervient dans le plus court délai possible”. Tel est l'un des principes essentiels de l'Etat de droit. Dans le cas présent, les mesures de mise en quarantaine « peuvent faire à tout moment l'objet d'un recours par l'intéressé ou par le procureur de la République devant le juge des libertés et de la détention ». Le juge des libertés peut se saisir d'office à tout moment ; il statue dans un délai de soixante-douze heures, via une « ordonnance motivée immédiatement exécutoire ». Au-delà de 14 jours, il appartient au juge des libertés et de la détention d'autoriser la prolongation des mesures de mise en quarantaine. Mais – constate le CC - « aucune intervention systématique d'un juge judiciaire n'est prévue dans les autres hypothèses ». Le CC émet une réserve : pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de l'article 66 de la Constitution, il faut que le juge intervienne pour prolonger les mesures de mise en quarantaine ou de placement en isolement quand une personne doit demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour. Sous cette réserve, les exigences de l'article 66 de la Constitution ne sont point violées, tout comme le droit à un recours juridictionnel effectif.

Y-a-t-il méconnaissance de la liberté d'aller et de venir? Non, selon le CC. Au regard des “finalités poursuivies et des garanties qui entourent ces dispositions », la liberté d'aller et de venir n'est pas méconnue. Il en va de même du droit de mener une vie familiale normale. Le raisonnement du juge s'avère quelque peu générique et déterministe: il existe des “finalités et des “garanties”, donc (sic) la Constitution n'est pas violée. Il était loisible d’attendre de plus substantiels développements.

En vertu du code de la santé publique, des agents de police judiciaire adjoints et à des agents assermentés des services de transport peuvent constater certaines contraventions aux interdictions et obligations en vigueur pendant l'état d'urgence sanitaire. Aux yeux des sénateurs requérants, ces dispositions contreviennent au principe selon lequel la police judiciaire est placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Selon le CC, si ces agents se voient octroyer une certaine compétence, elle  est « limitée au constat des contraventions qui ne nécessite pas d'actes d'enquête de leur part ». De plus, « cette compétence est limitée au cas où de telles contraventions sont commises dans les véhicules et emprises immobilières de ces services de transport ». Il n'est pas porté atteinte à l'article 66 de la Constitution.

Le CC doit se prononcer sur la régularité des données médicales des personnes atteintes par la covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières. Ces données peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination. Selon les députés saisissants, il y aurait méconnaissance du droit au respect de la vie privée. Le CC rappelle que “la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ». En présence de « données à caractère personnel de nature médicale », s'impose « une particulière vigilance ». Ici, il est évident que les dispositions déférées portent atteinte au droit au respect de la vie privée. En effet, « elles peuvent être traitées et partagées, sans le consentement des intéressés ». Elles portent aussi sur certains éléments d'identification et sur les contacts noués avec d'autres personnes. Cependant, un argument prévaut selon le juge : « le législateur a entendu renforcer les moyens de la lutte contre l'épidémie de covid-19, par l'identification des chaînes de contamination ». Un objectif de valeur constitutionnelle est au centre de la réflexion et de l'action normative du législateur : la protection de la santé. Non censure il y a donc, sur le fondement du (très) générique objectif de valeur constitutionnelle qu'est la protection de la santé. La non censure se justifie encore, selon le CC, par le fait suivant : « la collecte, le traitement et le partage des données personnelles précitées ne peuvent être mis en œuvre que dans la mesure strictement nécessaire à l'une de quatre finalités ». Ces 4 finalités sont : « l'identification des personnes infectées par la covid-19 … l'identification des personnes qui, ayant été en contact avec ces dernières, présentent un risque d'infection … l'orientation des unes et des autres vers des prescriptions médicales d'isolement prophylactiques ainsi que leur accompagnement pendant et après la fin de ces mesures d'isolement … la surveillance épidémiologique nationale et locale ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation ». Le CC concède que le champ des personnes susceptibles d'avoir accès aux données à caractère personnel, sans le consentement de l'intéressé, est étendu. Il ajoute que « cette extension est rendue nécessaire par la masse des démarches à entreprendre pour organiser la collecte des informations nécessaires à la lutte contre le développement de l'épidémie ». Cependant, il existe un vice constitutionnel : les organismes qui assurent l'accompagnement social des intéressés bénéficient du partage de données. Cet « accompagnement social (…) ne relève (…) pas directement de la lutte contre l'épidémie ». Il n'est donc pas normal que le consentement des intéressés soit exclu. S'ensuit une méconnaissance du droit au respect de la vie privée garanti par la Constitution.

Le CC a toujours été soucieux de défendre la compétence du pouvoir exécutif. Ils 'agit même là de sa tâche originelle ; que l'on songe aux conditions de sa création en 1958. Dans la présente décision, le CC défend tout d'abord les compétences du chef du Gouvernement. Le juge rappelle que le Ier ministre est l'autorité nationale de droit commun en matière réglementaire. Or, le texte déféré prévoit que le décret d'application de la loi est pris après avis public conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. C'est à mauvais droit que le législateur a subordonné à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. Contrariété à la Constitution il y a. Le CC estime par ailleurs qu'il est porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Après lecture de l'article 16 de la Déclaration de 1789, des articles 20 et 21 de la Constitution, le CC constate que le texte déféré impose au ministre chargé de la santé l’obligation suivante : transmettre «sans délai » à l'Assemblée nationale et au Sénat « copie de tous les actes » adoptés. Quant aux assemblées parlementaires, elles peuvent « requérir toute information complémentaire » dans le cadre du contrôle et de l'évaluation des mesures mises en œuvre”. Certes, le législateur peut prévoir des dispositions assurant l'information du Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. Toutefois, la loi déférée est jugée contraire à la Constitution dans la mesure où elle fait peser sur le Gouvernement une obligation disproportionnée et par trop contraignante. Le CC dénonce le “nombre d'actes en cause et la nature des données en jeu”. Sont méconnus le principe de séparation des pouvoirs et les articles 20 et 21 de la Constitution.

Enfin, la loi contestée méconnaît la liberté individuelle et s'avère contraire à la Constitution. Certes, les mesures adoptées doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ; certes, il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Cependant, « le législateur n'a assorti leur mise en œuvre d'aucune autre garantie, notamment quant aux obligations pouvant être imposées aux personnes y étant soumises, à leur durée maximale et au contrôle de ces mesures par le juge judiciaire dans l'hypothèse où elles seraient privatives de liberté ». Il s'agit là d'une salutaire censure centrée sur la logique des garanties inhérentes à l'Etat de droit : il ne saurait y avoir mesure privative de liberté (en principe...) sans l'intervention d'un juge.

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020800DC.htm

 

6. Décision n° 2020-836 QPC du 30 avril 2020. M. Maxime O. [Utilisation de la visioconférence sans accord du détenu dans le cadre d'audiences relatives au contentieux de la détention provisoire II]. Non conformité totale - effet différé

 

Comment

Est déféré au CC l'article 706-71 du code de procédure pénale fixant les conditions de recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle dans le cadre d'une procédure pénale. Plus précisément, sont visées les audiences de la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la détention provisoire. Le CC se réfère à sa décision du 20 septembre 2019 (paragraphes 7 à 13) pour juger que “ces dispositions portent une atteinte excessive aux droits de la défense et doivent être déclarées contraires à la Constitution”.

Le juge estime nécessaire de reporter au 31 octobre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées.

Official link to the text of the act

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020836QPC.htm

 

7. Décision n° 2020-834 QPC du 3 avril 2020. Union nationale des étudiants de France [Communicabilité et publicité des algorithmes mis en œuvre par les établissements d'enseignement supérieur pour l'examen des demandes d'inscription en premier cycle]. Conformité - réserve

Comment

Est déféré au CC le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 612-3 du code de l'éducation (rédaction résultant de la loi du 8 mars 2018): il institue une procédure nationale de préinscription dans les formations du premier cycle de l'enseignement supérieur (cf. «Parcoursup »). Selon l'Union nationale des étudiants de France, il y aurait une restriction indue de l'accès aux informations relatives aux critères et aux modalités d'examen. Il y aurait violation du droit à la communication des documents administratifs (article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Les candidats ne pourraient pas avoir accès aux algorithmes utilisés par les établissements pour traiter leurs candidatures. Rien ne viendrait justifier une telle restriction, ni le secret des délibérations des jurys ni aucun autre motif. De plus, serait méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif: les dispositions déférées “empêcheraient d'exercer avec succès un recours contre l'absence de communication des informations en cause … “elles priveraient les justiciables des éléments nécessaires à la contestation effective du bien-fondé des refus d'inscription”.

Le CC fait lecture de l'article 15 de la Déclaration de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Sur le fondement de cet article 15, il existe en droit français un droit d'accès aux documents administratifs. Reste que le législateur peut apporter “des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi”. Le CC ne censure pas la loi déférée. Il s'appuie sur la volonté du législateur. Au regard des travaux préparatoires, il appert que “le législateur a considéré que la détermination de ces critères et modalités d'examen des candidatures, lorsqu'ils font l'objet de traitements algorithmiques, n'était pas dissociable de l'appréciation portée sur chaque candidature”. Il s'ensuit que la restriction d'accès aux documents administratifs a pour finalité de “protéger le secret des délibérations des équipes pédagogiques au sein des établissements”. Sont protégées “l'indépendance de ces équipes pédagogiques et l'autorité de leurs décisions”. C'est là un “objectif d'intérêt général” qu'a poursuivi le législateur. La non censure se justifie d'autant que “la décision prise sur chaque candidature ne peut être exclusivement fondée sur un algorithme”. Il y a “une appréciation des mérites des candidatures par la commission d'examen des vœux, puis par le chef d'établissement”. Le processus de sélection permet donc d'apprécier les mérites de chaque candidat.

Le CC souligne de surcroît que les candidats peuvent accéder à un ensemble d'informations expliquant les choix effectués par les commissions des établissements d'enseignement supérieur. Cependant, cette communication ne bénéficie qu'aux seuls candidats. Cela conduit le juge à formuler une réserve d'interprétation : elle concerne le tiers. Pour le CC, une “fois la procédure nationale de préinscription terminée, l'absence d'accès des tiers à toute information relative aux critères et modalités d'examen des candidatures effectivement retenus par les établissements porterait au droit garanti par l'article 15 de la Déclaration de 1789 une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, tiré de la protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques”. Pour que ne soit pas méconnu le droit d'accès aux documents administratifs, l'interprétation suivante doit prévaloir: chaque établissement doit préciser, « à l'issue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme d'un rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen”. A cette condition, respect du bloc de constitutionnalité il y a.

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020834QPC.htm

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