France

Conseil constitutionnel, décision n° 2022-844 DC 15 décembre 2022 (1/2023)

Loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Conformité

link: https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022844DC.htm 

 

Les saisissants estiment que la modification du code du travail réalisée par le législateur viole la Constitution. En vertu de la disposition nouvelle, un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage après avoir refusé deux propositions de contrat à durée indéterminée (CDI). Selon les députés requérants, la loi fait peser sur les demandeurs d'emploi « une contrainte excessive » ; il y aurait méconnaissance du 5ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. De surcroît, la loi instituerait une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d'emploi : entre ceux ayant reçu une proposition de CDI et ceux n’ayant pas reçu une proposition de CDI. Le Conseil constitutionnel rejette les prétentions des requérants et ne censure pas le législateur. Le juge fait lecture du 5ème alinéa (« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi… ») et du 11ème alinéa (la Nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ») du Préambule de la Constitution de 1946. De ce Préambule, le Conseil constitutionnel tire la conséquence que de telles « exigences constitutionnelles impliquent l'existence d'un régime d'indemnisation des travailleurs privés d'emploi ». Quid alors de la loi et de sa régularité ? Elle dispose qu’un demandeur d'emploi peut être privé du bénéfice de l'allocation d'assurance chômage lorsqu’il refuse « à deux reprises une proposition de contrat de travail à durée indéterminée émise à l'issue d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de mission ». Le juge se penche sur la volonté du législateur : celui-ci a voulu « inciter les travailleurs privés d'emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l'embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d'intérim ». Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général. Le Conseil constitutionnel développe ensuite une argumentation soulignant que la loi ne prive pas, selon lui, les demandeurs d’emploi des garanties prévues dans le Préambule de la Constitution de 1946. La privation de l'allocation d'assurance chômage advient – explique le Conseil – « uniquement » : quand le salarié refuse « à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail » … ou quand il refuse « à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l'issue d'un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail ». De plus, ajoute le juge, On ne saurait refuser le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage à un demandeur d’emploi « si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ». Enfin, l'allocation d'assurance chômage n’est pas supprimée dans l’hypothèse où la dernière proposition de de CDI adressée « n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local ». L’ensemble de ces précautions semblent suffisantes au Conseil constitutionnel pour que la loi ne mérite pas censure ; les dispositions déférées ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle, ne sont pas contraires au principe d'égalité ni à aucune autre exigence constitutionnelle.
Autre point largement débattu, l’article 4 de la loi insérant dans le code du travail une présomption de démission du salarié en cas d'abandon de poste. Pour les députés à l’origine de la saisine, assimiler l'abandon de poste à une démission conduirait à ce que certains salariés soient privés du bénéfice du régime d'assurance chômage alors même que l’abandon de poste s’avère indépendante de leur volonté. La loi violerait le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, tout comme elle violerait le principe d’égalité. Par leur nature, ces dispositions « sont susceptibles de porter atteinte au droit d'obtenir un emploi » (cf. le 5ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946) estime le juge. Cependant, point de censure de la loi, là encore. Car les dispositions déférées « ne s'appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste ». Le Conseil constitutionnel se penche sur les travaux préparatoires de la loi pour souligner qu’un abandon de poste ne revêt pas un caractère volontaire s’il est justifié par un motif légitime : raisons médicales, exercice du droit de grève, exercice du droit de retrait, refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à la réglementation, refus d'une modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail. Il s’agit là d’éléments ayant fait l’objet d’une « jurisprudence constante de la Cour de cassation » est-il rappelé. De plus, un salarié est réputé démissionnaire seulement après avoir été mis en demeure par l’employeur ; le salarié peut ainsi, estime le Conseil constitutionnel, se justifier. Enfin, la présomption de démission qui est posée par la loi nouvelle demeure une « présomption simple » : cela signifie qu’elle peut être renversée par le salarié - contestant la rupture de son contrat de travail – devant le conseil de prud'hommes. La disposition législative n’est pas censurée.
Le Conseil constitutionnel n’a guère développé, tout au long de son existence, une « jurisprudence sociale », si l’on entend par ce terme une jurisprudence favorable aux intérêts des salariés. Nous en avons la confirmation avec cette décision n° 2022-844 DC qui mérite, assurément, nombre de substantielles critiques.

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