Franck Laffaille - Université de Paris XIII

2018

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

----------------------------------------------------------------------------

Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, CERAP, Sorbonne/Paris/Cité

Name of the Act/s

Décision n°2018-743 QPC du 26 octobre 2018

Société Brimo de Laroussilhe (Inaliénabilité et imprescriptibilité des biens du domaine public)

Comment

Cette décision du CC porte sur un thème fondamental du droit public : l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des biens des personnes publiques (article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, rédaction de l'ordonnance du 21 avril 2006). Selon les requérants, les dispositions déférées portent atteinte à la Constitution dans la mesure où elles n’instituent pas de dérogation(s) aux principes mentionnés, y compris en présence d’acquéreurs de bonne foi de biens mobiliers appartenant au domaine public. Ces acquéreurs s’exposent en effet – à tout moment - à une action en revendication de ces biens par les personnes publiques ; cela emporterait atteinte au principe de sécurité juridique, en l’espèce la « sécurité des transactions ». En de telles circonstances, quid du droit à la protection des situations légalement acquises? Quid de la préservation des effets légitimement attendus? Quid du droit au maintien des conventions légalement conclues?

Le CC rejette les prétentions des saisissants. Après lecture de l’article 16 de la DDHC de 1789, le juge rappelle que le législateur – à condition de statuer dans le domaine de sa compétence - peut modifier les textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Encore faut-il que le législateur ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles. Le législateur ne peut notamment pas - sans motif d'intérêt général suffisant - « porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ». Les contrats légalement conclus sont protégés par les exigences découlant des articles 4 et 16 de la DDHC de 1789.

Le CC insiste sur le régime dérogatoire institué par le législateur : les principes d’inaliénabilité et d'imprescriptibilité s’appliquent à des biens, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant au domaine public de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, et des établissements publics. Ce régime dérogatoire a été institué pour assurer la protection du domaine public mobilier, ce qui emporte non application du droit commun visé à l’article 2276 du code civil. En vertu de ce dernier article, « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ». La neutralisation de l’article 2276 du code civil a pour conséquence qu’il est impossible de constituer un droit de propriété sur un bien appartenant au domaine public. Il est encore impossible qu’un tel bien puisse faire l'objet d'une prescription acquisitive au profit de ses possesseurs successifs (même de bonne foi).

Après avoir énoncé les principes connus du droit positif, le CC conclut – et c’est en cela que la décision mérite critique : «Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à des situations légalement acquises, ni ne remettent en cause les effets qui pourraient légitimement être attendus de telles situations. Elles ne portent pas davantage atteinte aux conventions légalement conclues».

« Dès lors »… Dès lors quoi a-t-on envie de questionner de manière peu élégante ? Cette décision est l’incarnation de la non motivation. Le juge ne motive en aucune matière ladite décision qui – dans un monde juridique merveilleux – mériterait censure pour défaut de motivation. Cette décision est carentielle car il manque un § (ou plusieurs §, soyons herméneutiquement fou) expliquant pourquoi/comment le juge arrive à ce « Dès lors ». Quelles sont les raisons qui le conduisent à regarder ce régime dérogation – en matière d’inaliénabilité et d'imprescriptibilité – conforme à la Constitution ? Il ne suffit pas de dégainer juridictionnellement le classique postulat de la « protection du domaine public mobilier ». Si l’on se contente de cette assertion, toutes les restrictions aux droits des individus deviennent légales et légitimes.

Sont écartés les griefs tirés de la violation de la DDHC ; les dispositions contestées ne méconnaissent aucun droit ou liberté garanti par la Constitution.

Available Text

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018743QPC.htm

2018

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

----------------------------------------------------------------------------

Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, CERAP, Sorbonne/Paris/Cité

Name of the Act/s

Décision n° 2018-744 QPC du 16 novembre 2018

Mme Murielle B. (Régime de la garde à vue des mineurs)

Comment

1984. Le CC est appelé à se prononcer sur des dispositions en vigueur en 1984, applicables à la garde à vue des mineurs. Cette QPC concerne Murielle Bolle, l’une des protagonistes de « l’affaire Grégory » (l’une des affaires criminelles les plus célèbres de France, avec le meurtre du « petit Grégory »). Sont déclarées inconstitutionnelles certaines dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. Insuffisance de garanties il y a pour les personnes mineures en garde à vue : cette insuffisance emporte non respect de leurs droits. La présente déclaration d'inconstitutionnalité est invocable dans les affaires en cours, ce qui est notable puisque « l’affaire Grégory » a connu, récemment, de nouveaux rebondissements. Le juge judiciaire a vocation à apprécier les conséquences de cette QPC dans la procédure pénale.

Le CC devait se prononcer sur les conditions dans lesquelles le juge des enfants ou le juge d'instruction enquêtait (en 1984) en présence des faits criminels ou délictuels commis par un mineur. Dans le cadre d'une procédure d'instruction, un mineur pouvait être retenu 24h (avant d’être présenté au magistrat instructeur qui pouvait renouveler la garde à vue pour une même durée).

Le CC rappelle qu’il appartient au législateur « d'assurer la conciliation entre la recherche des auteurs d'infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ». Parmi ces dernières : le respect des droits de la défense (cf. l'article 16 de la Déclaration de 1789) et les exigences constitutionnelles protégées par l'article 9 de la DDHC 1789. Or, les dispositions soumis à l’examen du CC ne prévoyaient pas de garantie légale autre que le droit d'obtenir un examen médical en cas de prolongation de la garde à vue. Il appert que n’étaient pas respectés les droits de la défense de la personne gardée à vue. De surcroît, le droit en vigueur à l’époque ne prévoyait pas d'âge en dessous duquel un mineur ne pouvait pas être placé en garde à vue. Conclusion : pas de conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties. Sont violés les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789. Enfin, il est porté atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Les dispositions censurées ne sont plus en vigueur. En vertu de l’article 62 C., la déclaration d'inconstitutionnalité doit, en principe, bénéficier à l'auteur de la QPC. Cela signifie qu’elles ne peuvent être appliquées dans les instances en cours.

Il revient au juge judiciaire de tirer toutes les conséquences de la décision du CC, notamment quant à la régularité d'actes ou de pièces de procédure.

Available Text

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018744QPC.htm

2018

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

----------------------------------------------------------------------------

Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, CERAP, Sorbonne/Paris/Cité

Name of the Act/s

Décision n°2018-745 QPC du 23 novembre 2018

M. Thomas T. et autre (Pénalités fiscales pour omission déclarative et sanctions pénales pour fraude fiscale)

Comment

Il était demandé au CC de cogiter sur l’application combinée de l’article 1728 du code général des impôts (instituant - en cas de manquement du contribuable à son obligation déclarative dans les délais prescrits - certaines majorations d’impôt) … et … de l'article 1741 du CGI (sanctions pénales en cas d’omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits). Selon les saisissants, il était porté atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines : les dispositions déférées permettent en effet d’édicter des sanctions administratives et pénales. Les requérants estiment que eu égard à la nature même de l'omission déclarative en matière fiscale, rien de justifie le cumul des deux poursuites ; il n’y aurait pas un degré de gravité justifiant un tel régime.

Cette décision du Conseil constitutionnel mérite attention notamment en ce qu’il est fait application des décisions n°2016-545 QPC et 2016-546 QPC (24 juin 2016). Il était alors question du cumul de pénalités fiscales (insuffisance de déclaration) et de sanctions pénales (fraude fiscale). Le CC – dans la décision du 23 novembre 2018 - réalise tout d’abord une réserve d'interprétation que l’on trouve déjà dans les deux décisions de 2016 (citées en amont). Cette réserve d'interprétation vise le délit de fraude fiscale : un contribuable ne peut être poursuivi s’il a été définitivement jugé (pour un motif de fond) non redevable de l'impôt. Restait à juger de l'application combinée des dispositions contestées des articles 1728 et 1741 du CGI. Deux réserves d'interprétation ont été posées par le juge. Le CC rappelle que ces dispositions visent à protéger les intérêts financiers de l'État et l'égalité devant l'impôt. Tant l’objectif de lutte contre la fraude fiscale que le principe même du recouvrement de l’impôt sont de nature à justifier la teneur des dispositions contestées, en présence des fraudes les plus graves. Mais est émise une réserve d’interprétation centrée sur le principe de nécessité des délits et des peines : les sanctions pénales ne peuvent s'appliquer qu'aux cas d'omission déclarative frauduleuse. Cela peut découler soit du montant de la fraude, soit de la nature des agissements de la personne ou des circonstances de leur intervention. Sous cette réserve, l'application combinée des dispositions en cause n’emporte pas engagement de poursuites différentes ; il n’est pas porté atteinte au principe de nécessité des peines. Autre réserve d'interprétation centrée – elle – sur le principe de proportionnalité des peines : le montant global des sanctions prononcées ne saurait dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions prévues.

Available Text

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018745QPC.htm

2018

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

----------------------------------------------------------------------------

Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, CERAP, Sorbonne/Paris/Cité

Name of the Act/s

Loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie

Comment

Nouvelle loi sur l’immigration. Depuis plusieurs décennies, ce domaine fait l’objet de modifications incessantes. La finalité proclamée de la loi est :

lutter contre l’immigration irrégulière,

réduire les délais d’instruction lorsque sont présentées des demandes d’asile,

améliorer l’accueil des personnes étrangères ayant bénéficié du droit de séjourner en France,

rendre plus efficaces les reconduites à la frontière en présence de personnes dont les demandes ont été rejetées.

Il faut noter que le délai encadrant le dépôt d’une demande d’asile (à compter de l’arrivée sur le territoire français) a été réduit : de 120 jours à 90 jours. Lorsque les personnes réalisant une demande d’asile proviennent de pays dits « sûrs » (vaste notion, vaste débat), le recours contre une décision de refus ne suspend plus la décision d’expulsion. Dans l’hypothèse où une personne est déboutée, elle ne peut plus – sauf survenance de circonstances nouvelles – réaliser une nouvelle demande d’asile. En présence d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), il est possible d’assigner à domicile une personne alors même qu’elle a exercé son droit au recours. Quant à la durée maximale de rétention, elle est désormais de 90 jours (au lieu de 45 jours antérieurement). S’agissant de la retenue administrative, elle est désormais de 24h (au lieu de 16h antérieurement).

Le texte n’est pas que répressif, contrairement à la première impression.

Les personnes bénéficiaires de la protection subsidiaire et les apatrides se voient allouer un titre de séjour pour une durée de 4 ans. En présence d’un mineur, le bénéfice de la réunification familiale est étendu aux frères et soeurs du réfugié. Reçoivent protection renforcée les jeunes filles menacées d’excision et les femmes ayant subi des violences conjugales.

Le « passeport talent » - censé permettre une immigration choisie sur le fondement de la compétence – concernent désormais aussi les salariés d’entreprises dites « innovantes ». Etudiants et chercheurs sont encore visés par le texte qui régit la mobilité entre pays d’origine et France. L’UE représente un support de qualité en la matière (cf. les programmes de mobilité intra-européens).

Au regard des évènements que connait Mayotte (depuis fort longtemps en réalité), il est institué un régime spécifique du droit du sol. Un enfant né à Mayotte peut bénéficier de la règle du droit du sol seulement à la condition suivante : à la date de sa naissance, l’un de ses parents au moins réside – de manière régulière et ininterrompue - sur le territoire français depuis plus de trois mois (titre de séjour à l’appui). On entrevoit à quel point le droit d’outre-mer fait figure de laboratoire juridique.

Le texte enfin comprend une disposition qui a pour finalité de prendre en compte la décision du CC (6 juillet 2018). Désormais, l’aide au séjour ou à la circulation d’un étranger en situation irrégulière ne peut faire l’objet d’une poursuite à la condition suivante : absence de contrepartie directe ou indirecte, fourniture de conseils (et accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux), aide apportée dans un but exclusivement humanitaire. Cependant, l’aide à l’entrée sur le territoire français demeure un délit.

Available Text

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/9/10/INTX1801788L/jo/texte

2018

Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law

----------------------------------------------------------------------------

Section: Sources of Law in the EU member States

FRANCE

By Franck Laffaille, Université de Paris XIII, CERAP, Sorbonne/Paris/Cité

Name of the Act/s

Loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

Comment

L’alimentation est au cœur du texte.

Il est traité tout d’abord de l’épineuse question des relations entre   la grande distribution et les distributeurs. Font l’objet de dispositions : la revente à perte, les promotions, les négociations tarifaires annuelles entre distributeurs et fournisseurs. S’agissant des contrats entre grande distribution et distributeurs, il est prévu que les prix prennent en compte les coûts de production (vaste question, vastes tensions).

La restauration collective ensuite : un objectif de 50% de produits de qualité ou locaux (dont 20% de bio) est fixé (à partir du 1er janvier 2022). Une autre disposition attendue est adoptée : obligation - de don des excédents alimentaires - est faite aux établissements de restauration collective et aux industries agroalimentaires. Dans les cantines scolaires, les bouteilles d’eau plate en plastique seront prohibées (au plus tard le 1er janvier 2020).

Les animaux : il est procédé à une extension du délit de maltraitance animal, et à un doublement des sanctions pénales en cas de mauvais traitement. De manière logiquement complémentaire, les attributions des agents chargés de la santé, de la protection animale et de la sécurité sanitaire des aliments se voient accrues (cf. leur pouvoir d’enquête et de contrôle).

Le Conseil constitutionnel – dans une décision du 25 octobre 2018 – a censuré une vingtaine de dispositions présentant la nature de cavalier législatif.

Available Text

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2018/10/30/AGRX1736303L/jo/texte

Osservatorio sulle fonti

Rivista telematica registrata presso il Tribunale di Firenze (decreto n. 5626 del 24 dicembre 2007). ISSN 2038-5633.

L’Osservatorio sulle fonti è stato riconosciuto dall’ANVUR come rivista scientifica e collocato in Classe A.

Contatti

Per qualunque domanda o informazione, puoi utilizzare il nostro form di contatto, oppure scrivici a uno di questi indirizzi email:

Direzione scientifica: direzione@osservatoriosullefonti.it
Redazione: redazione@osservatoriosullefonti.it

Il nostro staff ti risponderà quanto prima.

© 2017 Osservatoriosullefonti.it. Registrazione presso il Tribunale di Firenze n. 5626 del 24 dicembre 2007 - ISSN 2038-5633